Reportage dans la jungle de Calais, 2015.
Ils sont entre deux et trois mille selon les semaines, répartis sur un terrain sablonneux à quelques kilomètres de Calais. C’est la “new jungle”, ou pour être exact, un bidonville. Un entassement de cabanes de bois et de plastique qui s’étend chaque jour un peu. La journée, dans la poussière, ils errent; le temps est long, à rêver d’Angleterre. La nuit, ils sont nombreux à essayer de traverser, en sautant dans les innombrables camions qui passent de l’autre côté. Peu réussissent, et ceux qui y parviennent, que trouvent-ils là-bas ? Un peu plus d’amertume sans doute. Alors Calais est devenu une immense salle d’attente en plein air. On attend un monde meilleur, une distribution alimentaire, on attend que son portable recharge, on attend un rendez-vous à l’Ofpra : il faut plusieurs mois pour pouvoir déposer sa demande d’asile.
Depuis peu, des ONG se sont mises en place, avec un dispositif habituellement réservé aux zones de guerre. Les migrants y ont gagné un peu de lumière dans le camp, quelques points d’eau, de la nourriture et des soins. On améliore ainsi le confort de cette zone de transit qui ne mène qu’à des grillages, ceux qui les empêchent de traverser la Manche. On les soigne un peu parce que tout de même, c’est la France, monsieur. Depuis des années pourtant, les associations et les bonnes volontés individuelles qui se relaient au quotidien pour tenter d’aider ceux qui en ont le plus besoin crient leur désespoir face à cette situation.
Et dans ce tableau apocalyptique, il y a des âmes à l’énergie inépuisable : les réfugiés (ils préfèrent qu’on les appelle ainsi plutôt que “migrants”), qui tentent de donner une vie à l’endroit. Des Erythréens bâtissent une église, des “restaurants”, des “shops”, s’ouvrent, une école est même sortie de terre, pour apprendre le français. Pour son ouverture, il y avait des gens jusque dehors, les instituteurs bénévoles ont été obligés de faire trois classes. Il y a des sourires lumineux malgré les blessures, et une envie profonde de vivre.